«cantilene»


Dans un premier temps, les œuvres de Luca Mengoni nous attrapent, exercent leur séduction faisant appel à nos sens et à notre sensibilité esthétique. Mais il est impossible d’en rester là, car elles nous interpellent dans la profondeur de nos âmes, d’une manière semblable à celle déclenchée par les dessins d’enfants ou ceux des créateurs de l’art brut.

Il vient alors le temps de creuser dans la symbolique de l’image, d’analyser les propositions qui nous sont faites et de relier les différentes strates qu’elles véhiculent. C’est à ce moment-là qu’elles se révèlent dans tout leur corrosif resplendissement, car elles ne sont pas innocentes.

La luxuriante et sournoise beauté des cynorrhodons (églantier, rosier sauvage ou rosier des chiens) dont la racine est censée guérir les morsures des chiens enragés, contraste avec les agressives épines dont ils sont dotés et les propriétés urticantes des poils cachés dans les fruits qui provoquent des démangeaisons insupportables et des repoussantes irritations en cas d’ingestion.

À la fois prière, rébellion contenue et résignation, le «hold on» (tiens bon, serre les poings) des paroles des gospel qui servaient à maintenir vivante la foi des esclaves soumis au déracinement et à la désocialisation, est devenu aujourd’hui des mots d’amour désespéré, reflétant les sentiments de ces êtres fragiles que nous sommes, égarés dans le labyrinthe de notre quotidien.

Nuage, arbre, échelle ou ziggurat, élément naturel ou création humaine, tous les quatre s’élèvent ou se dressent dans l’impossible effort de relier la terre et le ciel. Tel les ailes d’Icare, les nuages fondent et rendent à la terre, transformée en gouttes de pluie, l’eau d’évaporation qui les constituaient temporairement. Cycle éternel, pour autant qu’il perdure.

Poésie, amour, musique, chant profane, épique, languissant, toutes les composantes des cantilènes, ces anciennes chansons de geste, sont réunies dans l’ensemble d’œuvres au contenu ambivalent que Luca Mengoni nous présente à cette occasion.


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